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Faire tourner une auberge autrement

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Eva De Narkevitch par: Eva

Chez Saintlo, nos valeurs fortes s’incarnent chaque jour dans nos auberges. À Saintlo Montréal, elles prennent vie à travers des initiatives concrètes et une équipe investie. Nous avons donné la parole à l’un de nos directeurs passionnés, Nicolas Lemaire, qui nous partage ses idées et ses actions pour faire tourner l’auberge autrement en développement durable.

Exemples d’actions responsables chez Saintlo Montréal

  • Revalorisation textile : Nous essayons de réutiliser nos draps inutilisables de différentes façons : en mouchoirs et autres accessoires. Certains draps ont aussi été donnés à un cercle des fermières pour être tissés en couvertures de type catalogne.
  • Mobilier solidaire : Fabrication locale et sur mesure de lits par Formétal, entreprise d’économie sociale, offrant un impact social positif et des nuits confortables à nos voyageurs.
  • Entretien zéro déchet : Mise en place d’un système de consigne avec Larose&Fils pour récupérer et réutiliser les contenants de produits d’entretien ménager.
  • Petit-déjeuner responsable : Approvisionnement auprès de Vrac&Bocaux, Fairmount Bagel et Dauphinais pour privilégier des ingrédients bio, locaux et sans déchet, soutenant ainsi les producteurs régionaux.
  • Dons à la communauté : Les meubles et équipements, lorsqu’ils sont encore en état de servir, sont d’abord offerts gratuitement sur des plateformes d’échange en ligne, afin de limiter au maximum le matériel jeté.
  • Plats solidaires : Des plats congelés, préparés par le Chic resto pop, sont proposés à la vente au bistro de l’auberge, permettant aux voyageurs d’accéder à une offre alimentaire de qualité tout en soutenant une initiative locale.
  • Formation au tri sélectif : Chaque nouveau membre de l’équipe bénéficie d’une formation spécifique sur le tri sélectif dès son arrivée, afin d’intégrer les pratiques écoresponsables au cœur des opérations de l’établissement.

Pour en savoir plus

Pourquoi faire tout ça ?

Il y a sans doute une part d’anxiété, mais aussi beaucoup de lucidité. En tant que grand lecteur et auditeur de l’actualité, j’ai réalisé qu’on se dirige droit dans un mur. Ce constat m’a poussé à vouloir faire les choses autrement, convaincu que les petits gestes comptent et qu’en s’y mettant, on peut améliorer les choses.

Mon engagement dans une démarche de développement durable et d’impact social s’est construit progressivement, influencé par une collègue qui incarnait ses valeurs au quotidien. En tant que directeur, j’ai compris que je pouvais élargir mon impact :

  • Influencer mes collègues
  • Offrir la marge de manœuvre pour agir
  • Faire participer l’ensemble de l’organisation

Ce n’est pas une pression externe qui m’a motivé, mais une conviction personnelle, renforcée par la découverte de l’économie sociale au CÉSIM. Le déclic est survenu en écoutant un reportage sur le festival Le Festif, qui avait choisi d’engager une coordonnatrice dédiée au développement durable. J’ai alors compris qu’il fallait une personne référente pour structurer efficacement la démarche, à l’image d’un expert-comptable ou d’un responsable RH.

Est-ce que ça fonctionne ? Comment on le sait ?

Mesurer concrètement nos efforts reste complexe. Certains résultats sont plus faciles à chiffrer comme notre consommation d’eau qui a diminué de moitié depuis la rénovation des salles de bain. Pour les déchets, c’est plus difficile, ouvrir les sacs pour vérifier leur contenu présente des risques. Parfois, le bon sens suffit, comme le vrac ou la consigne qui montrent clairement les économies réalisées sur les emballages.

Malgré tous nos efforts, je ne suis pas certain que toutes nos initiatives soient remarquées par les voyageurs, mais ce n’est pas forcément nécessaire. Quand ils les remarquent, ils sont satisfaits d’avoir choisi un établissement engagé. L’impact des efforts est plus direct dans l’équipe. Je suis particulièrement fier des collaborations en économie sociale et de la stratégie d’investissement dans les équipes qui chaque mois part explorer le Québec à travers différentes activités thématiques, permettant ainsi de découvrir les régions et de renforcer la cohésion. La meilleure action pour moi a été l’embauche d’une coordonnatrice au développement durable, qui a permis de franchir un cap.

Comment tu fais pour embarquer les gens là-dedans ?

Tous les membres de l’équipe sont déjà motivés à faire mieux. Je peux les aider en approuvant leur choix de mettre le développement durable en priorité.

La formation joue un rôle, tout comme l’appui de partenaires et d’autres auberges. Mon expérience au CÉSIM m’a révélé la richesse de l’économie sociale, même si l’univers peut sembler intimidant au début.

C’est quoi, les vraies embûches ?

La principale difficulté, c’est de gérer les coûts et l’énergie nécessaires pour des actions qui restent “optionnelles” sur le plan légal et budgétaire. Il n’existe pas de règles exigeantes qui obligent les entreprises à faire de grands efforts environnementaux, contrairement à la comptabilité ou aux politiques de travail.
On ressent aussi une fatigue environnementale : ramer à contre-courant est épuisant.
Certains projets n’ont pas abouti comme prévu :

  • La réutilisation des draps blancs s’est révélée difficile en raison de la facilité avec laquelle ce textile se tache et du manque de solutions de revalorisation.
  • Le salaire viable reste difficile à atteindre sans compromettre la viabilité de l’entreprise.

Le plus grand frein, c’est le caractère “optionnel” du développement durable. Face à la faible valeur marchande des investissements durables, il faut accepter que le retour sur investissement ne soit pas garanti. Les initiatives sont bien accueillies par la clientèle, tant qu’elle n’a pas à en payer le prix.

Si je veux m’y mettre dans mon auberge, je commence par quoi ?

  1. Observer ce qui se fait de mieux autour de vous
  2. S’inspirer des meilleures pratiques existantes
  3. Adapter les pratiques existantes à son environnement
  4. S’entourer d’experts, même si cela représente un coût.
  5. Communiquez clairement votre intention de vous engager
  6. Martelez le message auprès de votre équipe

Il ne faut pas se mettre une pression démesurée ni se décourager devant l’ampleur de la tâche. Mieux vaut s’inspirer, voire copier les meilleures idées, et les pousser plus loin.  Si je pouvais parler à mon moi d’il y a cinq ans, je lui dirais simplement : bouge-toi, n’attends pas, le statu quo ne fait qu’empirer les choses.

Est-ce que ton modèle est duplicable ?

Probablement en partie. Les stratégies de communication, les affiches, peuvent être partagées et réutilisées par d’autres établissements. Les auberges plus petites, dans des communautés moins nombreuses, ont des avantages comme la mobilisation de leur communauté immédiate. Mais tout le monde peut faire attention, se remettre en question et réfléchir aux gestes du quotidien.
L’embauche d’une personne dédiée au développement durable reste réservée aux structures assez grandes.

Comment en parler sans faire d’écoblanchiment ?

La transparence est essentielle. On évite les grandes promesses creuses, on s’associe personnellement à chaque affirmation. Si je ne suis pas à l’aise de le dire à visage découvert, je préfère ne pas le communiquer.

Et maintenant, quelles sont les prochaines étapes ?

J’ai deux projets en tête : intégrer des personnes vivant avec des défis, car notre culture d’entreprise s’y prête, et développer un programme de jumelage entre voyageurs et partenaires locaux à mission sociale. Par exemple, offrir aux voyageurs internationaux l’opportunité de s’impliquer bénévolement au sein d’organismes locaux.

Gérer une auberge autrement, c’est possible. Cela demande de la conviction, de la persévérance et une capacité à mobiliser son équipe. Les résultats sont parfois difficiles à mesurer, mais l’impact sur l’organisation et la communauté est réel. Maintenir la situation actuelle n’est plus une option : il est temps d’agir, un geste à la fois.